12/10/12

Face à la violence faite aux femmes, des artistes unissent leur voix

« Un seul mot nous libère du poids des souffrances de la vie, et c’est le mot amour. » Sophocle (496-406 av. Jésus- Christ) avait compris que l’humanité, si elle veut s’affranchir de toutes les chaînes, devrait suivre la loi attractive de l’amour. C’est le sens de la démarche des artistes partis en guerre contre la violence faite aux femmes et aux filles. Ils célèbrent la force qui gouverne l’univers.

« Les racines de la violence sont basées sur un manque d’éducation et d’incompréhension face à la femme. Car, très tôt, nous recevons des clichés qui déforment la place réelle, le rôle et surtout le respect qui devrait être accordé aux femmes », a souligné Emeline Michel à une collation, au Karibe dimanche dernier, organisé sur le thème  « Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes ».
Ils étaient là au Karibe : James Germain, Janjan Rosevelt, K-Libr, Wanito, Manzè et Lòlò, Emeline Michel, Jocelyne Béroard, Princess Eud, Cemé Christ-là Nicolas dit Nicky Christ, Maguy Durcé, Roosevelt Saillat dit BIC, Suzie Trébeau, Evelyne Renée Corail, pour ne citer que ce bouquet d’artistes accompagné des représentants du ministère à la Condition féminine et aux droits des femmes, des représentants de l’association Tamise qui a établi la liaison avec les artistes et l’organisation des activités avec ONU-Femmes.
Ce thème de la campagne du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, vise à prévenir et à éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles à travers le monde d’ici 2015, date butoir qui coïncide avec celle de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

Pendant la rencontre  entre les artistes et la presse, Emeline Michel, la diva de la musique créole, a souligné qu’elle participe à cette campagne de l’ONU parce qu’elle croit que « la musique est un instrument de communication très puissant qui permet non seulement de projeter la lumière, mais inspire et encourage à un changement de mentalité ».

« J’ai déjà, avec « Respekte n  » sur l’album Cordes et âmes, évoqué le thème de respect pour nos femmes. Mais  sur mon prochain album, pure et heureuse coïncidence, se trouvera une chanson titrée « Djannie » qui aborde très directement ce sujet », a assuré Emeline, engagée dans la lutte contre la violence.
Une conception de la supériorité de l’homme

Pour la chanteuse de Kassav, la Martiniquaise Jocelyne Béroard, « la violence contre les femmes et les filles est alimentée par une pensée de supériorité de l’homme vis-à-vis de la femme, véhiculée par la société ainsi que la religion qui mettent la femme à un niveau inférieur. »
La femme, pour la chanteuse qui a obtenu un double disque d’or pour son album Siwo et pour le tube Kole sere, « est  positionnée pour ne pas être valorisée mais dominée ».
Mais comment les artistes peuvent-ils contribuer à mettre fin à la violence contre les femmes et les filles ? La réponse de la Martiniquaise a claqué : « Les chansons véhiculent des idées qui peuvent tirer vers le haut ou vers le bas. Lorsqu’on tient un micro, on doit faire attention à ce qu’on « envoie » au public. Un texte peut aider à prendre conscience, même si ce n’est qu’à deux personnes qui à leur tour transmettront le message. « Se grenn diri ka plen sak ! » Le chanteur devient souvent un modèle, donc une pensée bien ciblée contre la violence peut aider à éduquer, à prendre conscience que la microsociété qu’est la famille ne peut donner à un pays un peuple équilibré si les rapports ne sont basés que sur la violence. »
Jocelyne Béroard se dit personnellement engagée dans cette lutte sous de nombreuses formes. Elle est souvent invitée par l’Union des femmes de la Martinique (UFM) luttant sans relâche contre ce phénomène. « Il est nécessaire que tous les pays s’ouvrent à cette campagne. C’est pour moi une grande joie qu’Haïti rejoigne les autres pays déjà engagés. En tant que Martiniquaise, j’ai été heureuse de participer à ces ateliers et des rencontres que j’ai faites avec les artistes présents pour collaborations futures. J’espère que nous serons un grand cercle d’artistes unis pour cette cause, car ce combat n’est pas chez nous seulement mais partout dans le monde », a-t-elle déclaré.
Les artistes sont des mentors pour les jeunes

Princess Eud, du groupe mystik703, pense que « les artistes peuvent contribuer à mettre fin à la violence contre les femmes et les filles à partir de leurs œuvres : chansons, spectacles, documentaires ». La voix chaude de la princesse qui a fait des étincelles dans « Limyè wouj », chanson du dernier opus de Mystik 703, ajoutera que « sur scène, les artistes ont le devoir de faire passer des messages de sensibilisation jusqu’à ce qu’il imprègnent le public ».
Cemé Christ-là Nicolas dit Nicky Christ est du même avis que Princesse Eud : « Les artistes sont des voix écoutées,  ils sont des mentors pour beaucoup de jeunes. Si les artistes se démarquent très clairement de la pratique de la violence, s’ils s’engagent à mener une guerre idéologique amplifiée contre ce fléau qui ronge notre société à tous les niveaux, à travers leurs compositions, les vidéosclips, les prestations scéniques et aussi à travers les interviews et les prestations médiatisées, la contribution des artistes à l’élimination de la violence contre les femmes et les filles dépassera les résultats escomptés. »
Dans le même registre, Stanley Georges a souligné que « l’éducation est à la base de la violence exercée contre les femmes et les filles ».

Pour Sheila Laplanche de ONU Femmes, les violences commises spécifiquement envers les femmes et les filles trouvent leurs racines dans l’inégalité des rapports sociaux, économiques et politiques entre les hommes et les femmes. Dès notre naissance, dit-elle, « cette inégalité nous est inculquée par le langage, les croyances, les valeurs,  etc.. Tout est mis en place pour nous le rappeler. Nous participons donc, hommes et femmes, et même à notre insu, à la perpétuation d’un système de valeurs qui renforce continuellement cette inégalité ».
Pour mettre fin aux violences faites aux femmes et aux filles, ne faudrait-il pas une prise de conscience et un travail en profondeur sur notre système de valeurs ?
Claude Bernard Sérant
Serantclaudebernard@yahoo.fr
Source : Le Nouvelliste